Jazzamar, Voice et Marc Mac à Colodor

Première article d’une série de 3 à propos de la soirée « Broken Addiction » du vendredi 13 juin 2008 lors du Festival Contre-Temps.

Partie 1 : Tribune Libre par Jean Daniel
Partie 2 : Interview de Voice (vidéo)
-Partie 3 : Interview de Marc Mac (vidéo)

On connaît Jazzamar, membre du combo Brazil/Groove et récemment d’inspiration Cubaine pour son titre «Que Linda Mi Cuba» Nu Tropic, qui sortira bientôt son deuxième album sur « Jazzmin Records» pour être un flûtiste prêt à s’imposer aux côtés des DJs de La Salamandre.

Jazzamar & Mitsu the Beat

Jazzamar & Mitsu the Beat

On le connaît moins DJ et vinyl addict, ce qu’il est aussi, et c’est ainsi qu’il ouvrait la voie à Voice et Marc Mac lors de cette soirée au Colodor. Une grosse voix Soul aux claviers fous Groovys et un saxo en diable sur un tempo Afro (Eddy Russ, m’informe G Phil alias Groovehuntaz, DJ Funk local). Un bon piano bien balancé, du bon Funk au Cuban Beat sur une trompette à la Donald Byrd avec laquelle jamme Jazzamar en live avec sa flûte roots, naturelle, entre Jazz et Soul qui improvise en live, moyennant une mise en place efficace simplement pour qu’on l’entende, dans les trous, les creux, les silences et improvisant, tout de même, AVEC la musique, à la fois dedans, dehors, partout. Ce soir il est à la fois le DJ et le flûtiste, ce qui permet peut-être de l’entendre sur les disques que LUI préfère, et non ceux que les autres lui imposent.

Une chanteuse de Samba. Elis Regina ? Je ne sais pas si c’est bien Elis’Coptère. Je l’aime tellement qu’une chanteuse Brésilienne sorte du lot, je la prends pour elle. Elle a fait du Funk et du Rock Brazil, à la fin, arrivée à Rio trop tard pour la Bossa Nova, juste au moment du Coup d’Etat militaire augurant les «années de plomb ». « Un pays gouverné par des gorilles », dira-t-elle, forcée ensuite de chanter pour les dictateurs pour sembler de leur côté. Sur un rythme à deux temps, Samba et Cuba se mêlent avec une trompette, la Salsa et la cloche Agogo du Brésil, la Soul et sa forme latine le Boogaloo, auxquels à nouveau la flûte fine, argentée, traversière, vient ajouter son Jazzy Groove entre le Rhodes et les percus Brazil. Sur l’écran les VJ d’ « Absude » improvisent à leur façon des images : hédonistes, des couples dénudés, hymne au Soleil, à la Danse, à la Sensualité, images solaires de nuit.

Voice & Marc Mac

Voice & Marc Mac

Arrivent Voice et Marc Mac aux platines, qui ont déjà travaillé ensemble sur son projet parallèle à 4Hero, les Visioneers, groupe de studio rare sur scène. Le public se rapproche. Le flow de sa voix s’enroule autour d’une flûte pour avec un autre chanteur. Les mouvements gracieux de son bras scandent le rhodes et la trompette. Puis elle affirme qu’elle n’est pas une B-Side, une face B du Hip Hop maccho. Les mots claquent, les rimes se renvoient le sens « Intelligence…Evidence » sur deux temps. Elle pose son histoire en conteuse sur un piano lent, à l’aise sur tous les tempos, flottant sur eux. La chanson suivante, « Guerilla Hustling », défend son statut de femme dans le hip-hop sur une rythmique syncopée riche de basse/batterie ornée d’une flûte lente, sublime et entêtante, plus énergique sur le beat qu’avec Moonstarr au Midem sur les scratches.

visioneers

visioneers

Suit une chanson des Visioneers à la basse Jazz/Groove, « Hip Know Cypher », aux fonds sonores riches et aux backings excitants, Blaxploitation et entraînants avec un sample de « My Baby Just Cares For Me » de Nina Simone dans le scratch. On apprécie l’humour et le sourire de Voice à défaut de comprendre tous ses mots à ce débit, le sourire ironique de son visage contre les « teddy boys ». Suit un tempo Batucada rapide aux Beats demandant « No Back Up, Please No Go Away ». Suit un tempo plus Drum’N’Bass, sur le quel elle rappe “In Real Time…With Real Rhimes », « la chanson « Reel Time » où elle faisait un featuring sur l’album « Time To Rearrange » d’Aaron Jerome, mais on n’entendait qu’elle entre le basse groovy et la rythmique.

Gumbo

Gumbo

Pour « Necksnap », extrait de son premier album « Gumbo » (pot-pourri noir à La Nouvelle-Orléans dont elle est originaire) sur une flûte Jazz Soul un peu folle bouillonne en effet dans un jus rythmique Jazzy Caraïbe. Elle y regrette de n’avoir pas commencé à rapper plus tôt mai s’assume latino et dans toutes ses influences. Suit l’une de ses chansons les plus violentes et revendicatrices, « Art Fantasy », aux « explicit lyrics » contre la représentation préjugée de la femme dans le Hip Hop et les Médias l’obligeant à toujours entendre les mêmes questions des journalistes sur une flûte cette fois groovyllerette contrastant avec le tranchant des paroles refusant d’être un objet sexuel, une « baby girl super sweet » assimilée à un canari sexy comme tant d’autres chanteuses avant elle ou les plus actuelles bimbos dévêtues sur des voitures de luxe du Gangstarap qui font le rap si bête, d’être soumise dans la vie comme à leurs désirs, femme au foyer à la vie et fantasme auditif au disque. On a pu apprécier dans ce set sa volonté, sa bonne humeur généreuse et communicative et sa faculté à surfer sur des tempos variés.

Marc Mac & MG

Marc Mac & MG

Marc Mac reste seul avec le chanteur Ragga des Visionneers (Mc MG) sur tempo Jungle Brazil riche de vibraphone et puissance rythmique de percussions Brésiliennes, mais avec le relief du funk, la soul de voix féminines sublimes dont il a le secret, de beaux arrangements de cordes pour entourer le tout et une basse disco : pour que les pieds dansent, l’âme soit ravie vers des ailleurs et l’esprit vogue dans les étoiles. Les Visioneers lui ont permis de s’ouvrir à des ambiances plus exotiques, moins hip hop que 4Hero, comme le Son’ Cubain de «Runnin’Dub». Suite un titre de 4 Hero, « Inside Your Heart » en version moins Soul et sans cordes que celle de la Compilation Contretemps. Le MySpace de 4 Hero en offre 4 remixs différents, mais leur album « Remixed » a montré leur virtuosité dans cet art de remixer autrui et eux-mêmes! Après un début un peu Péplum, on retrouve le côté Blaxploitation mais accéléré de rythmes Jungle (un peu comme dans le remix de DaziKue) qui sont devenus leur marque de fabrique. « Don’t Watch » prévient le MC, le plus énervé de la bande à la voix ralentie sur le synthé, cool sur la basse, mais toujours avec son style ragga très affirmé.

Dego & Marc Mac

Dego & Marc Mac

Sur l’écran VJ, une blonde glamour pleure de la violence, de l’inconstance des hommes. La musique se fait Space Funk, «I See A Light That Shines, Something Beautifull » prophétise une voix de prêcheur noir à la Soul pré-rap sous l’étoile de Martin Luther King pour de meilleurs jours et une compréhension entre les hommes sur des rythmes Jungle. Changement de rythmes vers une house vitaminée par des cuivres sur « Saturday », hymne des soirées funk locales dont j’ignore l’auteur ou les interprètes. Le chanteur se fait Maître de Cérémonie, dirige les mouvements de foule « Full Time, OK OK », sur une voix soul acidulée sur le gros Jungle Broken Beat, puis « Get Down» sur un thème des années 80s « short time », puis un thème Afro entrecoupé de Jungle, Ooh et synthés. Une chinoiserie me fait penser à celles de Kate Bush entre basse et beat. Les morceaux décomposés/ recomposés par la Jungle, les voix collectives leur prêtent vie et les flûtes leur jazz, les synthés leur électricité groove, et il faut certes être un grand architecte sonore pour jongler avec tous ces éléments disparates et éclectiques, en faire un tout à danser. Je m’informe sur «Saturday», on me dit que le vrai titre est « Roller Skate On Saturday », et qu’il est sur une compilation de 4Hero «Mighty Riders ». En tous cas c’est une hymne efficace de la Funky Soul Nation des soirées locales.

marc_mac_SNC.jpg Après information de Tal Stef, en voici un peu plus long sur ce thème qui est passé par l’âge du Groove, du Hip Hop et du remix : Les « Ah AhAha » célestes des « Good Vibrations » sont des « Evil Vibrations » des Mighty Ryeders (que j’avais mal orthographié) qui me font penser à des Beach Boys Black Soul’N’Funky, Fender Space, au saxo Jazzy et basse et percus Brazil tremblotantes à la fin, mais sans « Saturday ». La version Hip Hop par De La Soul : A Roller Skatin’ Jam Named « Saturdays » reprend surtout la basse groovy en base de scratch avec des vocaux « Saturday » que je préfère dans le vocal féminin, avant un final plus sombre. En effet, je préfère l’énergie de la version remix plus récente de « Rebirth Rebirth » dans « Evil Vibration » remettant au goût du jour les Mighty Ryeders mais revitaminisés avec des impros moins smooths et des backings où l’on devine une fête funky derrière, ou le public live, sans « Saturday », mais avec plus de Groove et d’entrain dans les « Ahahaha » féminins sur la fin. Marc Mac finit seul avec de la House aux vocaux Soul dont il a toujours eu le don de bien s’entourer : Carol Crosby, Terry Callier ou Voice.

Ouifonk la légende du funk

Ouifonk la légende du funk

Ouïfonk termine la soirée, DJ Toulousain fou de Jazz et Funk qui a rencontré George Clinton, mais aussi de rythmes Caraïbes de la Jamaïque au Brésil et aux musiques électroniques. Sur un tempo House viennent se greffer des vocaux Funk/Soul, un saxo sprano, puis des percussions Brazil nous font traverser un bras de mer. Sur l’écran VJ des party-girls enlèvent le haut, leurs peaux dorées par le soleil cochant habillées de nuages et chantent muettement. Une autre s’assied/s’allonge sur un lit de musique lounge. Au ciel un boeing Latécoère fait des loopings. Avec la musique de Ouïfonk et l’heure tardive, c’est une invitation au voyage vers des destinations rêvées, ou plus personnel dans les rêves vue l’heure tardive, l’un n’empêche pas l’autre d’ailleurs.

Cette soirée montrait la vitalité de la scène Hip Hop quand elle accepte de ne pas tourner le dos à son passé Jazz, Funk, Soul…et de chercher d’autres sources dans des musiques écloses plus récemment pour faire bouger les dance-floors.

Jean-Daniel

Animateur des émissions "Jazzology" ( tous les Jeudis de 21 à 22h) et de "Terres Tribales" (Musiques traditionnelles lundis 11 h 30-12 h 30) sur Radio Judaïca 102.9 FM Strasbourg : Jean Daniel nous parle de musique, celle qu’il apprécie : le Jazz, et sous toutes ses formes, en tous styles.

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