Steppah Huntah invite Marya Valetta

Marya Valetta est une chanteuse Jazz/Soul Slovaque originaire de Bratislava qui vit à Strasbourg. Sur son lien « My Space », on peut entendre sa voix sur des ambiances Groove/Jazz-Rock avec une touche de rythmes Brésiliens qui fait penser à «Return To Forever», groupe de Chick Coréa (claviers), Airto Moreira (percussions) et Flora Purim (chant) en 1972.

photo3.jpgDepuis son arrivée à Strasbourg, elle a collaboré, dans un contexte « nu-jazz », au second album du groupe Nu Tropic et à la compilation «Tokyo House Lovers ».
Sa rencontre avec le groupe Steppah Huntah (dans sa forme électro : la russe Oless T, qui fait des mouvements de Qi Gong traditionnels puis danse avant le concert aux claviers, le bassiste Steven J ici aux breaks laptop d’un Mac et effets, et Fabrice Lauer au saxophone soprano, flûte et effets sampler), dont les compos dépassent déjà Strasbourg en étant jouées par Gilles Peterson, lui a permis de se concentrer sur un projet d’album présenté en exclusivité pour la première fois sur scène à La Grotte le 11 avril dernier.

photo5.jpgLe concert commence par la superbe ballade « Jessica », succès Jazz/Soul Funky de Roy Porter de 1974 sur lequel je dansais au Café Des Anges sans savoir qu’il était déjà le batteur que j’écoutais dans la séance d’ « Ornithology » de Charlie Parker à Los Angeles en 1947, avant que le DJ résident El Gilson ne me le fasse remarquer… Ici, beats, fender rhodes et flûte entourent la voix de Marya d’un son complet illuminé de violons, avant le solo de fender rhodes réverbéré d’échos puis celui de la flûte avec effets et un second chorus scat/groove de la chanteuse dans la forêt groove urbaine où crient de loin de leur canopée les oiseaux du Brésil.

photo6.jpgLa seconde reprise est plus surprenante encore, car absente du My Space, «Speak Low» de Kurt Weill, la seule chanson latino enregistrée par Billie Holiday avec quelques percussions, reprise ici en New Brazil très rapide, carrément groove et festif, dépassant complètement le tragique de l’original (qui était dans le style final de Billie mais que la chanson ne justifiait pas forcément). Marya chante avec la classe d’une Shirley Basset dans le générique de «Goldfinger» (James Bond avec Sean Connery), les beats brasil accompagnent le solo de fender rhodes, avant un solo de saxophone soprano Jazz-Rock entre Michael Brecker et Wayne Shorter sur les rythmes samba des claviers, une basse groove et des percus Brazil.

Le scat, après la strophe « grande chanteuse» Jazz/Soul confirmée, est presque enfantin d’aisance et de folie, et la distance entre ces deux tendances montre la palette de Marya entre le sérieux de l’émotion lyrique et la folie de l’enfance retrouvée du scat.

photo8.jpgFabrice Lauer présente le groupe et le répertoire, composé de reprises et de compositions de Marya et Steppah.
Suit une batucada folle dépassant l’humainement possible des percussions, introduisant un « Milestones » de Miles Davis repris en «vocalese» (improvisation de paroles sur la mélodie d’un instrumental Jazz inauguré par King Pleasure sur « Parker’s Mood », puis Eddie Jefferson et Dave Lambert, John Hendricks & Annie Ross, et les Double Six en France) sur un texte de Mark Murphy, autre spécialiste du genre, puis en scat, avant un solo d’Olass T au piano sans effet aucun, ce qui est rare. Leur version dépasse complètement la structure des versions fugue/chase de la trompette de Miles courant après le saxophone de John Coltrane à la période Hard-Bop du premier quintette du trompettiste dans les années 50s.

photo9.jpgSuit «Little Sun Flower », de Léon Thomas, chanteur scat et vocalese dans l’aïgu qui illumina entre autres le disque «Karma» du saxophoniste Pharoah Sanders et dédicaça ce « petit tournesol » aux enfants d’Afrique, du Soleil et de la Lune, si j’en crois l’introduction parlée, après les percussions en clave cubaines programmées, et saxophone en écho. Puis le chant se développe sur une rythmique soudain Brazil sous des tempêtes de percussions à graines, s’envolant sur la base de la clave et mêlant ces deux continents musicaux essentiels rarement réunis. Un solo de claviers très smooth égrène les pétales comme le soleil ses heures sur ses fleurs : graines poussées en Afrique que le vent de l’histoire et le destin malheureux des peuples souffla pour qu’elles germent dans les Caraïbes à Cuba et au Brésil. Suit un solo de flûte oriental/afro ethnique sur la clave, puis soudain crié dans les aïgus à la Hermèto Paschoal, sorcier fou Brésilien barbu. Un scat cool étire la mélodie sur la batucada pour les pères, les mères et jusqu’à la mer de la «Little Sun Flower», se faisant New Brazil par ses danses vocales rapides à la manière inaugurée par les groupes «Brazil 66 » et « Brazil 77» du claviériste Brésilien Sergio Mendes dans le rapport pop et jazz-rock entre les voix et les rythmes. Le clavier groovy, de samba part soudain à son tour en salsa, le saxo se mêlant à la transe comme une autre voix citant dans son solo deux mesures d’ «A Tisket-A Tasket » (premier succès adolescent d’Ella Fitzgerald chez Chick Webb dans les années 40s).

photo1.jpgDans ce contexte, Marya Valetta se révèle une vraie petite libellule annonçant le printemps, nous envoyant ses bonnes vibrations en brassées de fleurs pour conjurer la pluie du dehors, avec la participation du public qui frappe des mains au rythme de la clave Cubaine.
Mais Marya Valetta est aussi compositrice de ses propres chansons comme « Without Your Love », aux percussions plus électro dans leurs beats, sur une basse disco et un clavier adoucissant/liant l’ensemble avant son solo très rapide qui soudain part en salsa sur les beats. Puis Marya part dans un scat, trouvant des violences nordiques dans les aigues à la Björk.

photo10.jpgSuit une compo de Steppah Huntah dont Marya a écrit les paroles, introduite au saxophone sur des beats aquatiques au feeling playa Brazil 77 léger mais complexe où se ballade la voix de Marya me rappelle l’interprète inconnue d’un titre d’une compilation « Jazztrospection 2» que m’avait faite le DJ Funk Brazil local Tal Stef chantant «I’ll see later on for sure» à la manière exotique d’Anita O’ Day sur «An occasionnal Man» sur le vibraphone de Cal Tjader. La chanson semble parler en effet de marcher sur la plage en bord de mer.

photo11.jpgLe saxophone imite une cuica pendant son solo sur un rythme samba groove, invitant le public à de grands signes de sémaphores marins avec leurs bras de gauche à droite pendant le solo de piano un peu à la Antonio Carlos Jobim par son minimalisme mais poussant quand même au fond de chaque touche à la Keith Jarrett (une des influences d’Olass T) avant le final du soprano.

photo12.jpgLes origines slovaques de Marya Valetta sont le prétexte de «Slovaquian Beans» (haricots slovaques), mais là encore cuisinés à la sauce rythmique syncopée clave/batucada groovant sur des beats un peu plus industriels. Marya s’y fait petite fée slovaque nous entraîne à cheval sur les étincelles de son scat dans les forêts et les montagnes de Slovaquie, aux trousses d’un solo de saxophone soprano balkanique à la Julien Lourau dans le quartet de Bojan Z, puis tournoyant comme Alex, fourmi aux yeux verts dansant en ouragan des soirées funk « Cosession» et «Faces».

photo13.jpgSuit une autre composition de Mark Murphy, «Why And How», qu’on retrouvera sur le My Space, au début plus lourd et syncopé, avec des cuivres aux riffs funky en fond dont émergent un fender rhodes cristallin et la voix, puis un solo de saxophone cette fois plutôt Jazz classique soutenu par le clavier et des beats samba, auquel se mêle le scat.

photo14.jpgMarya a écrit les paroles de la composition suivante de Steppah Huntah, plus électro-Jazz, très soul et rythmée brazil, où sa voix vole joliment sur une mélodie à la Jamiroquai. Pour le Bis, «On vous a quand même préparé quelque chose» dit Olass T : « Julia», un dernier titre electro Jazz entremêlé avec une voix soul acidulée du genre de celles qui illuminent les premiers albums de « Massive Attack ».

photo15.jpgAprès cette prometteuse première, souhaitons bonne chance à Marya pour son album et bonne continuation à Steppah Huntah, et pour nous le plaisir de les revoir bientôt sur nos scènes…

Jean-Daniel

Animateur des émissions "Jazzology" ( tous les Jeudis de 21 à 22h) et de "Terres Tribales" (Musiques traditionnelles lundis 11 h 30-12 h 30) sur Radio Judaïca 102.9 FM Strasbourg : Jean Daniel nous parle de musique, celle qu’il apprécie : le Jazz, et sous toutes ses formes, en tous styles.

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