Avec « Joy » Sylvain Beuf passe au Sextet

Sylvain Beuf est un saxophoniste et flûtiste de Jazz français né en 1964. Après des albums en trio (avec Franck Agulhon à la batterie et Diego Imbert à la contrebasse), il a ajouté le trombone Denis Leloup et le saxophoniste alto Pierrick Pedron (qui a montré qu’il était l’un des plus proches de la tradition Hard Bop avec son album « Deep In a Dream »), et le pianiste Jean-Yves Jung entendu avec le Paris Jazz Big Band, passant au Sextet, composé un nouveau répertoire inspiré par une rencontre amoureuse, avec « le désir de délivrer de la joie » et enregistré Live en club (une première pour lui) devant un public conquis au Jazz Club de Dunkerque, les approuvant d’exclamations enthousiastes mais respectueux de la musique (les plaçant à propos après un solo extraordinaire ou en fin de titres). Cet album, sorti le 23 mars, s’intitule « Joy ».

EPK Sylvain Beuf Sextet – Joy

sylvain-beuf-1.jpg Dès le premier titre éponyme, « Joy », on sait qu’on est dans le vrai Jazz : les unissons West Coast des souffleurs d’anches entre Stan Getz et Dexter Gordon et de coulisses, les solos et le balancement du swing de la rythmique ne trompent pas. On sait qu’on a affaire à un Jazz neuf et moderne, mais gardant les qualités de la tradition Hard Bop.

Sur Sushi, unissons et solos des souffleurs s’enroulent harmonieusement comme ce titre sur une batterie presque drum’n’bass et finissent à la Herbie Hancock. « Baikal Lake » offre une évocation liquide initiée par les notes irisées comme des flocons de neige du piano, puis des unissons orientaux aux ralentis prolongés jusqu’au solo de saxophone, plongée de plus en plus Coltranienne poussée jusqu’au cri puis après la rythmique funky, suivie d’une coulée en Nautilus du trombone.

sylvain-beuf-2.jpg « Ballade pour Rapha » (inspiratrice de l’album ?) est une magnifique ballade à l’innocence harmonique touchante portée par Pierrick Pedron caressant un rêve sans y toucher jusqu’à un imperceptible changement de tempo vers un univers plus dramatique de vieux film noir. « Trouble In My Glass » est bien Hard Bop Funky à la Eddie Harris, entrechoqué comme des glaçons par la batterie et le piano, où surnagent les cuivres et s’échappe Sylvain Beuf en un solo orientalisant au groove puissant à la Lourau.

« Suspect Noise » nous entraîne de ce bar dans un univers plus dramatique, inquiétant, course-poursuite exotique où l’on suspecte dans les syncopes quelque chose d’Ethiopique, à la Mulattu Astatke, mais les souffleurs restent Jazz, le saxophone partant à la poursuite d’Olé de Coltrane.

Evidemment, on trouvera aussi dans ces compositions des clins d’oeils furtifs d’un souffle à un standard, un classique du Jazz, mais après le temps d’un sourire de reconnaissance de notre inconscient Jazzistique, il est entraîné par la force dynamique du répertoire, l’esprit n’ayant pas le temps de fixer son nom avant d’être emporté ailleurs, condamnant l’auditeur à réécouter le titre, sans plus de succès, mais avec un plaisir renouvelé.

(…) un excellent disque Hard Bop (…) qui mériterait un prix aux Victoires du Jazz (…)

sylvain-beuf-3.jpg «Les Notes Bleues » explorent la lenteur modale du dernier Jazz de Miles, quelque part entre « Kind Of Blue » et « Nefertiti », avec ce beau mystère de s’obstiner à ne pas démarrer, rencontrent au bord d’un solo la Jessica de Roy Porter et la ramènent vers le lyrisme d’une simple ballade Jazz.

« Spatio Temporis » est à nouveau un hard bop bien funky au piano à la Horace Silver, décrivant dans cet ESPACE DU TEMPS : ESPACE laissé aux unissons des souffleurs et à leurs solos de Bird au « Love Supreme » de Coltrane par LE TEMPS de la rythmique, et vice versa dans l’improvisation : l’Espace-Temps du Jazz. « Smile » (qui n’est pas le standard de Charlie Chaplin) finit en beauté ce disque, toujours hard bop funky à la Cannonball Adderley ou à la Eddie Harris dans «Compared To What», mais avec des échos de New Orleans (St Louis Bluies) en fanfare.

Sylvain Beuf Sextet – Sushi

Vraiment, un excellent disque Hard Bop à écouter, et voir sur scène s’ils passent près de chez vous, qui mériterait un prix aux Victoires du Jazz ! Ou alors le jury est sourd ou insensible !

Jean-Daniel

Animateur des émissions "Jazzology" ( tous les Jeudis de 21 à 22h) et de "Terres Tribales" (Musiques traditionnelles lundis 11 h 30-12 h 30) sur Radio Judaïca 102.9 FM Strasbourg : Jean Daniel nous parle de musique, celle qu’il apprécie : le Jazz, et sous toutes ses formes, en tous styles.

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