Sur les traces de Fèla, son fils Femi présente « Africa For Africa »
Fils du père de l’Afro-Beat Fèla Kuti, le saxophoniste et chanteur Fémi Kuti a cependant mené sa propre carrière sur le label Motown, puis depuis son premier album international « Shoki Shoki » (1998), le Live au Shrine (2004), temple de la musique de son père qu’il a remonté en 2004, puis « Day By Day » en 2008, acclamé comme son meilleur album, et un album de Remixes cette année.
Comme un retour aux sources, c’est à Lagos, au studio Decca (devenu celui du label Afrodisia dans les années 70s) où il avait enregistré avec son père puis son premier album qu’il a choisi d’enregistrer son dernier album, malgré l’électricité et la climatisation défectueuses et d’antiques tables de mixage, pour retrouver un son moins léché quant à la postproduction mais plus rugueux, « Agressif ».
AFRICA FOR AFRICA NEW FEMI KUTI ALBUM
Dès « Dem Bobo », on retrouve le groove des guitares, de la basse et de l’orgue vintage, les cuivres, les chœurs de la tribu complice rappelant celle de Fèla et la voix de Femi dans cet Afro-anglais du Nigéria des diatribes de Fèla, et la révolte peut-être plus lucide de Fémi, sur les machinations des politiques pour arriver à leurs fins, puis un bon solo de saxophone.
« Nobody Beg You » (Personne ne vous a demandé) rappelle, toujours sur de bons riffs de cuivres et chœurs, que personne n’a jamais demandé aux politiques d’êtres président, sénateurs ou gouverneurs, autant de confiscations du pouvoir populaire direct au nom de l’imitation des démocraties occidentales.
En effet, comme l’explique Fémi sur un tempo plus cool et des orgues funkys dans « Politics In Africa », même les plus pauvres des pays occidentaux ont des avantages que n’ont pas ceux d’Afrique, à cause de politiciens Africains corrompus.
« Bad Governement » s’interroge, sur un rythme comique mais puissant : pourquoi, avec tant de talents parmi les médecins, ingénieurs, footballeurs et athlètes africains, leurs gouvernements sont toujours aussi mauvais ?
Après un scat introductif, «Can’t Buy Me » explique sur de bons cuivres un peu les raisons ces problèmes et porte en lui la solution : ne pas laisser acheter sa faveur et loyauté.
Le titre éponyme «Africa For Africa » revendique l’abolition des frontières des pays Africains qui les divisent, et invite les Africains à la fraternité. Les politiciens qui comme Patrice Lumumba ou Thomas Samkara, ont milité pour cette Unité Africaine, ont toujours été stoppés, ce qui est peut-être de la dangereuse efficacité (pour l’Occident) d’une telle idée.
(…) C’est la première fois que les fans d’Afro-Beat et de Fèla Kuti pourront aimer autant un album de Fémi Kuti, s’assumant comme un digne héritier de cet musique (…)
« Make Me Remember » célèbre justement avec force cuivres le souvenir des idées et paroles des forces intègres que furent Fèla, Marcus Garvey, Martin Luther King, Nkrumah, Samkara et Malcolm X en faveur de l’égalité des peuples et de l’abolition de la misère.
« Obasanjo Don Play You Wao » mêle Africain et Anglais sur de bons cuivres et un orgue sinueux pour dénoncer une conséquence de la corruption d’une voix plus douce sur un orgue groovy puis de plus en plus forte sur les cuivres: les pouvoirs en place et l’establishment protègent leurs intérêts plus que ceux du peuple, et même pris en flagrant délit, ne sont pas condamnés, pas seulement au Nigéria, cite aussi l’Algérie.
« Boys Dey Hungry For Town » prend l’accent de la compassion et de l’émotion bouleversante sur un Blues lent et groovy, pour décrire la pauvreté et la faim régnant sur l’Afrique, la faim et la misère qui pousse ses jeunes hommes des campagne à l’exode rural vers des villes surpeuplées dans l’espoir d’une vie meilleure.
« Now You See » est, après des orgues groovys vintage et un rythme afro irrésistible sous les cuivres, puis une bonne guitare 70ies, une dénonciation de la corruption qui règne sous couvert de démocratie en Afrique.
Autre Blues groovy lent aux rallonges délicieuses sur la basse, les percussions ou l’orgue, « No Blame Them » relate les calomnies proférées par une certaine presse à l’encontre de Femi, mais ne les blâme pas, se contentant de les traiter de presse de caniveau.
« Yeparipa » montre, avec de beaux tuilages de chœurs sous la voix émouvante de Femi, comment la misère empêche la classe populaire Nigérienne de prendre ses responsabilités politiques (manque d’éducation scolaire, malnutrition) et l’inutilité pour elle de la « demo-crazy » sans l’aide du gouvernement, en est réduite à la solidarité issue de la souffrance.
« E No Good » montre bien sur un tapis de cuivres, d’orgue et de percussions, le détournement des ressources naturelles réelles du pays par une minorité de profiteurs au lieu de profiter à tous en fournissant eau, électricité, logement, alors que les enfants de ces profiteurs portent de beaux vêtements, font de bonnes études et voyagent aux Etats-Unis.
Enfin, plus conciliant « I Don’t Mean » appelle sur un bon groove entraînant les plus riches à ne pas oublier les plus pauvres.
Comme Fèla, Fémi trouve dans les arrangements plus épurés de cet album SON AFRO-BEAT, mélange heureux de Jazz et de Funk Occidentaux et de rythmes d’Afrique.
C’est la première fois que les fans d’Afro-Beat et de Fèla Kuti pourront aimer autant un album de Fémi Kuti, s’assumant comme un digne héritier de cet musique.
Avec ce que la vie et ses expériences (création d’une association d’entraide, incursions militaires au Shrine pour empêcher les célébrations anniversaires de Fèla), lui ont appris en propre, il retrouve ici les sources musicales intemporelles et la ferveur de l’Afro Beat de Fèla, et des raisons de révolte éternelles, moins démagogues, plus actuelles et concrètes, présentes et autant de rasons d’espérer en l’avenir pour l’Afrique et le Monde.
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