Tribe : « Rebirth », Renaissance de la Tribu Jazz/Soul produite par Carl Craig
Sommaire
- Carl Craig presents Tribe live von Jazz à la Villette
- (…) A Detroit, un génération sauve l’autre (…)
- (…) comme s’ils voulaient investir la musique black composée depuis leur absence, (…) montrer qu’eux aussi peuvent le faire, et y arrivent (…)
- « Vibes from the Tribe » by Phil Ranelin and the Tribe
- (…) Et ça peu de jeunes Jazzmen serraient capables de le faire. Il faut pour cela toute une vie de Jazz derrière soi. (…)
La libération des noirs américains par l’obtention des Droits Civiques et donc de leur musique donna lieu à la fureur du Free Jazz, mais aussi dans les années 70s, à un courant plus Jazz Soul, Peace & Love, idéaliste de cette tendance libertaire, assumant à fond le côté funky et groovy, la Soul autant que le Jazz, et même les influences Africaines, toutes les facettes de la Great Black Music héritées du Jazz et de ses dérivés.
Carl Craig presents Tribe live von Jazz à la Villette
(…) A Detroit, un génération sauve l’autre (…)
Le collectif TRIBE (la TRIBU) est né dans les années 70s de la rencontre du tromboniste Phil Ranelin et du saxophoniste et clarinettiste basse Wendell Harrison, piliers de séances du label Motown. Ils montent un label indépendant, Tribe Records, où les rejoignent le trompettiste Marcus Belgrave et le batteur Doug Hammond. Le collectif fut dissous en 1975.
Mais c’était sans compter Carl Craig, l’un des fondateurs de la Techno de Detroit, qui reforme le collectif en 2007 et produit en 2009 leur nouvel album, « Rebirth » (RENAISSANCE). A Detroit, un génération sauve l’autre.
Dès Livin’ In A New Day, sur le groove d’une basse funky, le collectif Tribe s’ébranle, s’ébroue à nouveau avec Wendell Harrison, renaît pour un nouveau jour, un nouveau disque, avec le son à peine voilé de la trompette de Marcus Belgrave, le chanteur quintessence de la Soul, avant le trombone de Phil Ranelin sur le groove impeccable de la rythmique de Doug Hammond. On sait que tout est là et a toujours été là entre leurs mains depuis plus de trente ans, et a gardé cette épaisseur de son dans l’arrangement.
(…) comme s’ils voulaient investir la musique black composée depuis leur absence, (…) montrer qu’eux aussi peuvent le faire, et y arrivent (…)
Les reprises sont aussi à l’honneur mais ne lasseront pas ceux qui connaissaient déjà Tribe : Glue Finger dont les premiers échanges nous rappellent ce que doit Steve Coleman à Tribe (comme Lesli, rythmé aux claquements de doigts d’un groove tribal au naturel), puis s’adoucit en un solo de trompette à la Donald Byrd période Jazz Soul Years et un solo de saxophone digne des grands jours funky de Blue Note de Wendell Harrison sur les roulements drum’n’bass de Doug Hammond. Autre reprise qui ne se repose pas sur ses lauriers, Vibes Of Tribe très roots puis funky dans l’original mais alors comme inachevé ou ouvert à une suite, terminé ici sur une rythmique très modernisée, enrichi, groovy, comme s’ils voulaient investir la musique black composée depuis leur absence, rattraper le RH Factor de Roy Hargrove (auquel Jazz On The Run semble adresser un cort clin d’œil en interlude), montrer qu’eux aussi peuvent le faire, et y arrivent, en y ajoutant leurs références, un petit peu de standard rémanent dans le solo de trompette, puis des fulgurances à la Miles Davis électrique et des éclats de cuivres rythmant l’ensemble.
« Vibes from the Tribe » by Phil Ranelin and the Tribe
Le très improvisé Son Of Tribe rappelle plus encore Miles Davis électrique et son Jazz Rock Bitches Brew, son funky Jack Johnson dans les échos d’effets de la trompette sur la batterie crépitante rappelant celle d’ On The Corner, ou sur scène, le Call it Anything de l’Isle de Wight.
Denekas Chant débute sur une basse Jazz perlée et majestueuse suivie de riffs de cuivres puissants, d’un bon solo de trompette, d’une clarinette basse ingénue et d’un trombone dans les basses. C’est cette Afrique rêvée, repensée, fantasmée d’Amérique. Pour danser, Ride chevauche bien funky, groovy, avec des cuivres ponctuant/poursuivant en taxiphonant l’impeccable rythmique funky basse/batterie comme Lalo Schifrin Isaac Hayes dans un film Blaxpoitation.
(…) Et ça peu de jeunes Jazzmen serraient capables de le faire. Il faut pour cela toute une vie de Jazz derrière soi. (…)
Enfin, leur science plus ancienne et éternelle et plus rare du Blues instrumental le plus pur jusqu’au bout de la nuit est bouleversante dans 13th and Senate avec la trompette à peine bouchée de Belgrave, le bon saxo qui fait monter la sauce comme dans les ensembles collectifs hérités du New Orleans et de toute l’histoire du Jazz et du Blues via Kansas City si justes, et pourtant dont toujours un au moins s’échappe en free juste ce qu’il faut pour créer le risque de la dissonance sans jamais parvenir à franchir la ligne de l’inaudible. Et ça peu de jeunes Jazzmen serraient capables de le faire. Il faut pour cela toute une vie de Jazz derrière soi.
Et pour finir, il y a cet ultime petit miracle solaire et acidulé de Where Am I avec une délicieuse chanteuse acidulée Soul en guest, jeune mais qui a le Jazz, la Soul, les feulements félins en fond de gorge des grandes chanteuses de Jazz sur des chœurs cosmiques à la Sun Râ comme un dernier message de paix et d’amour adressé à l’univers, avant les breaks de trompette et la clarinette basse à la Yussef Lateef ou Pharoah Sanders dans l’aigu.
Tribe n’a rien perdu des racines des racines de la tribu Jazz Soul Funk Groove et nous donne une grande leçon de musique : on peut respecter l’esprit du Jazz pur en s’inscrivant dans sa modernité, faire le grand écart de son éternité.
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