Nouvel album de Raffaele Casarano « Argento »
Quand on monte un label, ce n’est pas seulement pour soi mais aussi pour produire des musiciens. En même temps que le dernier Paolo Fresu sort sur son label Tük Music le troisième album « Aregento », du saxophoniste Raffaele Casarano né en 1981, qui l’avait invité sur son disque « LEGEND ».
RAFFAELE CASARANO ARGENTO live 2010
(…) Peut-être est-ce dans l’ordre des choses que Paolo Fresu marque l’histoire de disques classiques et laisse la jeune garde défricher les terres inconnues qui germeront plus tard de fleurs mutantes futuristes armées pour la science-fiction (…)
Plus jeune et donc plus aventureux que Fresu, le premier titre « Binario x » augure d’un esprit ouvert, le saxophoniste dansant la corrida, le flamenco’lectro (Alessandro Monteduro) à la Jorge Pardo du XXIème siècle entre les cordes du Vertere String Quartet à la Sketches Of Spain de Miles et des brouillages électro dans un mélange bienvenu.
« Addio » laisse place à une extraordinaire chanteuse de Flamenco, Carla Casarano, capable de montées tsiganes puis à des guitares Rock (Salvatore Cafiero) poussant le saxo jusqu’au cri sur de la drum’n’bass tropicale (Marco Rollo) à la Nu Tropic.
Mais il est aussi capable de ballade à peine trafiquée d’une patine tournoyante et soufflante Tango Electro avec « Gratia », et d’y retrouver toute son innocence harmonique, comme quoi l’un n’empêche pas l’autre.
« Trilogy » commence par un sample de paysans espagnols ou italiens, puis Carla revient flotter sur des vagues électro et une guitare Rock (Giuliano Sangiorgi) déchaînées d’où Raffaele sort son épingle du jeu. C’est à la réflexion assez proche, dans le genre électro, de la version métal de Tigran Hamasyan avec Arratta Rebirth. «Signora Luna » est une ballade purement acoustique rappelant un peu Stefano Di Battista, puis partant en Tango émouvant sur l’accordéon de Daniele Di Bonaventura. Carla Casarano a écrit et chante en sirène cool puis pousse jusqu’au cri à la Flora Purim le texte de la ballade « Da Lontano » sur de légères vagues électro et souffles dubbisés de cuivres en fond sonore. « Dondolando Con Mattia » dodeline joliment sur de l’électro, un sitar, puis la mélodie et le rythme prennent forme sans gêner la montée du saxophone qui prend des accents ethniques.
Dans le titre éponyme « Argento », le flamenco, le tango et l’électro font bon ménage pour créer un nouvel univers fascinant, de nouvelles solutions rythmiques et mélodiques où instruments live et électronique drum’n’bass trouvent une écoute mutuelle et tout un monde à défricher comme d’autres planètes issues de « Siesta » de Miles Davis.
On prend la « Via Dei Corbessolli » comme une autoroute vers la campagne boisée du solo de basse et des cordes sous le vent de l’accordéon, sur lesquels surfe Casarano toujours avec le même indéfectible à-propos et la même grâce quel que soit le contexte.
Pianiste et musicien électronique responsable des effets électroniques de l’album, Marco Rollo propose aussi son « Sesa », un peu ambient dub venu de l’intérieur du piano.
Le tout se termine avec « Sudest », dernières palmas flamencas, guitare Rock Hendrixienne et souffles d’accordéon Tanguisant.
Cette nouvelle scène italienne et européenne trouve entre jeu live et électronique ambient ou dub de nouvelles structures qui valent mieux que les vieilles lunes, comme si en eux les technologies musicales nouvelles pouvaient rendre de l’humanité, de l’émotion et offrir de nouvelles voies au Jazz. Et de plus en plus, devant de tels projets, je pense que c’est une bonne chose. Peut-être est-ce dans l’ordre des choses que Paolo Fresu marque l’histoire de disques classiques et laisse la jeune garde défricher les terres inconnues qui germeront plus tard de fleurs mutantes futuristes armées pour la science-fiction.
Commentaires récents